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Président de Droit & Commerce
Chers amis,
Les nouvelles technologies sont avec la transformation écologique, deux enjeux, deux défis pour nos sociétés mais sans doute également deux moteurs puissants pour bâtir les économies de demain de nos sociétés.
Faut-il être effrayé ou faut-il être enthousiaste face aux nouvelles technologies ? Sans doute l’un et l’autre à la fois et successivement et sans fin.
La Directrice générale du Fond monétaire international, Madame Kristalina Georgieva propose une formule à la fois paradoxale et de synthèse : « Qui dit innovation de rupture dit inquiétude, mais aussi formidable opportunité » (Les Échos 16 janvier 2024).
Il est certain que les neuro-technologies sont déjà en mesure capables de soulager les souffrances de personnes en situation de détresse.
Les neuro-technologies permettent d’apporter une assistance à des personnes atteintes de surdité profonde, ou de maladie de parkinson, ou à des personnes ayant perdu l’usage, les unes de leurs membres qui animent des exosquelettes, les autres privés de la parole qui communiquent via un avatar projeté sur un écran, grâce à des implants commandés par la pensée.
Ainsi des implants électriques placés dans différentes zones du cerveau nourrissent des espoirs et ouvrent des possibilités qui semblent sans limites.
Parallèlement, un courant de pensée dit neuro-éthique invite à réfléchir sur les risques de dérives de ces progrès et la nécessité que soit garanti le respect des droits humains.
Citons Rabelais qui fait dire à Gargantua, à propos du savoir : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Plus contemporaine, Madame Gabriela Ramos, Sous-directrice générale à l’Unesco, à l’occasion du sommet neuro-éthique qui s’est tenu en juillet 2023 à Paris nous interpelle :
« Le droit fondamental de penser librement peut potentiellement être remis en cause. C’est essentiel de dénoncer le moindre risque de dérive en ce sens ». (Les Echos 16 janvier 2024).
On le voit, les nouvelles technologies suscitent une pensée paradoxale. Être audacieux et responsable, trouver l’équilibre entre l’innovation et la réglementation, développer à grande vitesse et à grande échelle et assurer un contrôle des effets de bord et des dérives possibles.
Jusqu’à une époque récente, les nouvelles technologies ne semblaient pas devoir impacter significativement les métiers du droit, sinon pour les solliciter en vue de construire les règles nécessaires pour en encadrer le déploiement et l’application, sans toutefois en brider le développement.
S’il en est une qui a fait une entrée fracassante dans les professions juridiques, c’est l’intelligence artificielle générative.
Quasiment inconnues du grand public il y a quelques mois, la notion d’algorithme, et l’acronyme IA sont entrées dans le langage courant.
Il n’est pas un jour sans qu’un article, une communication, un colloque ne se réjouisse ou s’inquiète de l’intelligence artificielle et de ses possibilités infinies de traitement de milliards d’informations en quelques courtes secondes.
Fin mai 2023, à l’époque où le Conseil d’Administration de droit et commerce était appelé à décider du sujet du colloque de Deauville 2024, était publiée une lettre ouverte signée par plus de 350 personnalités dont Sam Altman, Directeur d’Open AI, aujourd’hui l’un des leaders de l’intelligence artificielle générative avec Chat GPT et filiale de Microsoft.
Cette lettre ouverte ne contenait qu’une seule phrase :
« Limiter le risque d’extinction liée à l’intelligence artificielle devrait être une priorité mondiale, à côté d’autres risques à l’échelle de la société, dont les pandémies et la guerre nucléaire ».
Quelques semaines auparavant une autre lettre ouverte avait anticipé en proposant un moratoire sur la recherche en intelligence artificielle.
Deux intentions louables ou non qui sont restées deux lettres mortes.
Sous la plume de Florian Dèbes, journaliste spécialisé en technologie et médias, Les Echos titraient : « L’IA, la nouvelle priorité du siècle » Les Échos 20 mars 2024).
Cette technologie capable d’imiter le raisonnement humain est une priorité du G7 qui a réuni les chefs d’Etats à Londres au dernier trimestre 2023 autour de la question essentielle du contrôle qu’il faut pouvoir exercer sur les conditions de son déploiement, et le premier ministre du Royaume Uni, Rishi Sunak, d’affirmer et de plaider:
« Il est impératif que les dirigeants du monde entier, quelques soient leurs divergences d’opinions, s’unissent pour identifier ces risques et agir de concert ». (Les Échos 28/29 octobre 2023).
La puissance de cette technologie et l’étendue infinie de ses applications sont en cause, mais aussi la vitesse extraordinaire de son développement.
Le président d’Alphabet, société mère de Google, Sundar Pichai, en expert, y voit :
« Une technologie de rupture aussi forte que l’invention de l’électricité et un formidable accélérateur de progrès et de recherche. » (Les Échos 16/17 février 2024).
La directrice générale du Fond Monétaire International renchérit :
« Dans le monde 40% des emplois seront touchés. Plus vous occupez un emploi qualifié ; plus ce sera le cas. Ainsi pour les économies avancées, et certains pays émergents, 60 % des emplois seront concernés. » (Les Échos 16 janvier 2024).
Prêtons enfin la plume au président de Price Minister-Rakuten, Fabien Versavau :
« En février 2023…ChatGPT passait le cap des 100 millions d’utilisateurs actifs, deux mois seulement après son lancement, dans un mouvement d’une ampleur sans précédent. Santé, éducation, industrie, création, commerce… En 2023, tous les secteurs d’activité se sont posé la même question, : en quoi l’intelligence artificielle peut-elle être utile ? Et tous ont trouvé mille réponses, mille usages pertinents pour l’IA. Alors qu’attendre de 2024 ? ».
Les grandes manifestations technologiques internationales telles que le CES de Las Vegas, « ne laissent aucun doute. 2024 sera l’année de la massification, de l’adoption généralisée de l’IA par l’ensemble de l’économie, et de son intégration dans l’activité quotidienne » (Les Échos 14 février 2024)
On le voit en s’emparant d’une partie de ce sujet, le Professeur Dondero, Directeur scientifique de notre colloque, ne manque pas d’ambition, mais il lui est apparu comme à nous plus sage de concentrer notre réflexion sur les nouvelles technologies autour de notre rôle de juristes et des activités qu’il nous conduit à mener.
Il s’est entouré de brillants esprits pour nous conduire dans cette réflexion durant cette journée et demie de travaux.
Ces deux jours d’échanges ont été d’une très grande richesse et je suis heureux de vous annoncer la publication des actes par notre partenaire Lextenso dans le courant du mois de juin et j’en remercie très chaleureusement Monsieur Bruno Vergé son président et madame Emmanuelle Filiberti sa directrice générale.
Antoine Diesbecq
Président de l’association Droit Commerce